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Bulletin n°10 : le printemps est venu, nous ne l'avons pas vu

  • Jude
  • 11 mai 2020
  • 3 min de lecture

Le principe des bulletins, c'est, chaque dimanche en fin d'après-midi, de vous proposer quelques mots à penser, à découvrir, à oser, à apprécier, à oublier, à apprendre, pour la semaine à venir. Nous composons les bulletins au gré de nos envies, de nos émotions, de nos connaissances. Vous y trouverez de petites choses que nous souhaitons partager.




Un extrait littéraire


« On raconte qu’il y avait à New York, sur le pont de Brooklyn, un mendiant aveugle. Un jour quelqu’un lui demanda combien les passants lui donnaient par jour en moyenne. Le malheureux répondit que la somme atteignait rarement deux dollars. L’inconnu prit la pancarte que le mendiant portait sur la poitrine et sur laquelle était mentionnée son infirmité. Il la retourna et écrivit quelques mots sur l’autre face. Puis la rendant à l’aveugle: « Voici, dit-il, je viens d’écrire sur votre pancarte une phrase qui accroîtra notablement vos revenus. Je reviendrai dans un mois. Vous me direz le résultat. » Et le mois écoulé: « Monsieur, dit le mendiant, comment vous remercier? Je reçois maintenant dix, voire quinze dollars par jour. C’est merveilleux. Quelle est la phrase que vous avez écrite sur ma pancarte et qui me vaut tant d’aumônes ? »

C’est très simple, répondit l’homme. Il y avait : "Aveugle de naissance", j’ai écrit à la place: "Le printemps va venir, et je ne le verrai pas ".

Voilà le début de la rhétorique et, par cet intermédiaire, celui de la littérature et de la poésie même (…). »


Roger Caillois, Art poétique, Gallimard 1958


Aujourd’hui, cette citation bien connue des étudiants littéraires dans laquelle Caillois voit la naissance de la poésie peut être prise à rebours: le printemps est venu, nous ne l’avons pas vu, seulement entraperçu derrière une vitre, au détour d’une course ou d’une rare promenade. Il nous reste, à partir de demain, quarante jours à la recherche du (prin)temps perdu - dans le respect des gestes barrières et du bon sens sanitaire, sous peine de ne pas voir l’été non plus.



Une citation


« Certains avions partent pour ne jamais revenir. Ils sont comme des rêves à la fois sublimes et maudits qui se laissent engloutir par l’immensité des cieux. »


Cette (très jolie) phrase, Hayao Miyazaki la glisse entre les lèvres de Caproni, grand ingénieur aéronautique italien qu’il (r)anime dans son (très joli) dernier film Le vent se lève, dont l’onirisme et le souffle épique sont particulièrement appréciables en ces temps étriqués.



Une passionnante série audio sur le confinement


LouCéan, notre géniale journaliste-photographe (je vous recommande très chaudement son carnet de voyage photographique à Madagascar publié il y a quelques semaines sur notre site, si vous ne l’avez pas déjà vu) a eu une belle idée, qui a donné un très très bel objet: une série audio dans laquelle ses proches s’expriment, dans des épisodes successifs, sur le(ur) confinement. Il y a autant d’angles d’expression que de personnes, et cela donne des enregistrements tour à tour drôles, pertinents, mélancoliques, presque toujours intéressants et enrichissants, portés par le très beau montage sonore d’une amie de LouCéan, Lucie. Les épisodes déjà publiés et à suivre de ce super podcast sont et seront à retrouver sur le lien SoundCloud suivant : https://soundcloud.com/user-573735315/tracks. Bonne écoute !



Une maxime de La Rochefoucauld


François de La Rochefoucauld est un écrivain et mémorialiste moraliste français du XVIIe siècle qui nous a légué, dans son oeuvre phare que sont les Maximes, plein de petites réflexions au présent de vérité générale sur l’homme, qu’il ne tient pas en très haute estime, considérant ses semblables comme de vils êtres rongés par les passions. C’est assez dur, sombre et pessimiste, mais souvent aussi beau et juste, et on vous en mettra donc régulièrement une ici, à commencer par celle-ci :


« Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour. »



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