Bonjour tristesse
- Jude
- 24 avr. 2017
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 juil. 2023

Après une campagne du premier tour qui aurait pu et dû être riche et passionnante et a été pathétique, celle du deuxième tour s'annonce plus désespérante, si c'est possible: en plaçant Emmanuel Macron (en tête avec 23,9% des suffrages exprimés) et Marine Le Pen (21,4%) au deuxième tour de l'élection présidentielle, les Français se sont assurés deux semaines de débat au mieux inintéressants, au pire nauséabonds; cinq ans au mieux d'ennui profond et d'absence totale de changement, au pire...
Bonjour tristesse.
Alors ça y est, on en est là: les électeurs de gauche votent massivement pour un centriste et les Français ne s'émeuvent même plus de ce que la candidate d'un parti fondé par des pétainistes et des néo-nazis qui tient elle-même des propos négationnistes et a fait de la haine de l'autre un programme soit au second tour, plébiscitée par près de 8 millions de nos compatriotes.
Bonjour tristesse.
On en est là: les Français votent contre, utile, stratégique, au premier tour!; les chaînes d'information en continu et les instituts de sondage deviennent les grands manitous de la démocratie: le "moins pire", "l'enquête d'opinion" et le commentaire sont les grands gagnants de la présidentielle.
Tant pis pour les convictions et les idées, utopistes.
Bonjour tristesse.
La gauche est absente du deuxième tour pour la deuxième fois en quinze ans: balayée, elle représente à peine plus de 25% des voix: la très bonne campagne de Jean-Luc Mélenchon est récompensée par un non moins bon score (19,6%) mais le candidat de la France Insoumise échoue aux portes du deuxième tour; loin derrière, Benoit Hamon ne ne réalise que 6,3%, handicapé par le poids du parti et du quinquennat, affaibli par les trahisons et les soutiens timides des cadres socialistes, pas aidé par des erreurs stratégiques qu'on mettra sur le compte de la jeunesse de lui et son équipe, rongé jusqu'à l'os par le "vote utile", des deux côtés.
L'histoire lui a une nouvelle fois fait la leçon: divisée, elle va à la déroute, surtout dans un contexte si défavorable; unie, elle peut gagner.
Il aurait fallu, dès février, une alliance programmatique et électorale (qui comprenne les législatives, car rien ne sert de gagner en avril si on perd en juin), peu importe derrière qui: même au plus bas, l'espoir était revenu, la victoire était possible.
La gauche paie cher cette faute, et sauf prise de conscience salvatrice les prochaines semaines et les prochains mois seront très durs, pour elle... Gauche année zéro?
Bonjour tristesse.
Si ce deuxième tour a le mérite de ne pas être le cauchemar absolu de tous les "progressistes" tant craint (Le Pen-Fillon), cette affiche est désespérante et catastrophique car le faux (et potentiellement dangereux) débat "patriotes-mondialistes" qui s'annonce va ignorer tous les vrais problèmes de l'époque: la catastrophe climatique et environnementale donc la nécessité de la transition écologique, les inégalités sans cesse croissantes qui appellent une lutte fiscale et sociale et une régulation du capitalisme financier, le grand péril que court l'UE qu'il faut reconstruire pour lui éviter de mourir, la faillite flagrante des institutions d'où l'exigence d'une VIème République profondément plus démocratique...
Toutes ces urgences, à la trappe.
Bonjour tristesse.
C'est la victoire des alliés objectifs actuels de la politique, le tandem triomphant dans le monde: présenter la xénophobie et le nationalisme comme seule alternative à la mondialisation néo-libérale et sa violence sociale, et vice versa, c'est leur mantra commun pour tuer les vraies idées de progrès.
Bonjour tristesse.
Pour éviter l'installation de cette terrible alternance new look, la gauche aura l'obligation -presque morale- de s'unir, demain.
Mais en attendant, elle doit dire clairement, distinctement, la différence fondamentale entre un adversaire politique -si injuste et dangereux son programme social soit-il- et une ennemie de la République.
Elle doit dire clairement, distinctement, qu'il faut dire "NON" au repli sur soi et à la haine de l'autre.
Elle doit dire clairement, distinctement, que ce ne sera en aucun cas un vote d'adhésion, mais que face au centre libéral elle peut lutter dans la rue et gagner dans les urnes tandis qu'historiquement, quand l'extrême-droite prend le pouvoir, on ne sait pas quand on revoit la démocratie.
Elle doit dire clairement, distinctement, qu'il faut battre -durement, nettement, largement- l'extrême-droite, dans deux semaines.
Mieux vaut la tristesse que le chaos.
Jude
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