Benoît, ça rime à quoi ?
- Léo-Paul
- 5 avr. 2017
- 5 min de lecture

Benoît Hamon est, malgré même son parti, le candidat du PS. Entre défections pour Macron et dynamique ascendante de Mélenchon, le navire Hamon coule, et le PS avec.
Remontons un peu dans le temps. 1er décembre 2016. François Fillon est sorti, 3 jours plus tôt, grand vainqueur de la Primaire de la Droite et du Centre, déjouant tous les pronostics qui donnaient déjà Alain Juppé président. A son tour, François Fillon est grand favori de cette élection, qui n'était qu'au début de ses rebondissements... Il est 19 heures. Le président de la République prend la parole. La mine fatiguée, le ton triste, il défend son bilan ; et au bout de 10 minutes d'allocution, la bombe est larguée : affaibli par une popularité en baisse constante, et par la polémique du livre « Un président ne devrait pas dire ça », François Hollande renonce à briguer un second mandat.
Il faut dire que ç'aurait été difficile pour le président sortant, qui avait accepté l'organisation d'une primaire du PS (un président dans une primaire?!). Ainsi, tout se bouscule : Manuel Valls se lance dans la précipitation, Benoît Hamon décolle dans les sondages et vient titiller Arnaud Montebourg, Macron s'enflamme en criant à la Porte de Versailles, et le programme de Jean-Luc Mélenchon (qui refuse de s'intégrer aux primaires du PS) se hisse en haut des ventes de livres et des cadeaux de Noël.
Une Primaire aux airs dégagistes
Les résultats de la Primaire de « La Belle Alliance Populaire » sont très parlants : Benoît Hamon l'emporte avec une avance conséquente sur l'ex Premier Ministre. Si l'élection connaît un échec de participation, les résultats sont clairs : encore une fois, le peuple de gauche dégage les responsables de l'état de la France. Hamon se hisse à 15% dans les sondages, devant Jean-Luc Mélenchon un temps, avant de retomber presque à égalité, mais tout semble assez simple : les Insoumis ont voté largement pour Benoît Hamon, qui promettait d'appeler Jean-Luc Mélenchon au lendemain de sa victoire. Le candidat de la France Insoumise tend une perche à Hamon, propose une ouverture des discussions. Et rien. Que se passe-t-il ? A quoi joue Hamon ? Une espèce de dialogue de sourds, sans le dialogue, s'engage alors entre les deux candidats de gauche qui présentent une ligne et des programmes assez proches à l'exception de quelques questions précises. Yannick Jadot, candidat écologiste, rejoint Hamon. La question peut se poser de pourquoi rejoindre Hamon, sachant que le programme de Jean-Luc Mélenchon propose plus de mesures pour l'écologie et l'environnement, mais l'accord s'est sans doute joué à quelques sièges à l'Assemblée Nationale.
Mélenchon et Hamon se rencontrent enfin dans un resto chilien. La discussion est stérile. Ils signent un pacte de non-agression, et chacun part en campagne de son côté. Les sondages les donnent au coude-à-coude perpétuel, aucun ne s'envole. Pendant ce temps, les affaires Fillon fragilisent le candidat de la droite, et Macron est rejoint par Bayrou. Le week-end du 18 mars doit être décisif pour la gauche : Mélenchon fait sa grande marche pour la 6ème République, et Hamon fait son grand meeting à Bercy. Mélenchon fait du bruit. Hamon, pas trop. Le lundi 20 mars est organisé le Grand Débat de TF1, avec -situation inédite-, les cinq principaux candidats à l'élection. Fillon et Hamon sont transparents, Mélenchon brille et réussit l'exercice. Et là, une dynamique se crée. Le candidat de la France Insoumise plaît. Il prend les devants dans les sondages, Hamon coule. A l'heure d'aujourd'hui, Hamon est donné à 8%, et Mélenchon à 16, un petit point derrière François Fillon. Un petit point du trio de tête.
Le PS assume à moitié
Valls rejoint Macron. Hamon panique. Il rompt le pacte de non-agression. Une fois. Deux fois. Trois fois... Trop pour que ce soit à chaque fois justifiable. Hamon, fort de ses 8% (10% selon d'autres sondages), appelle Mélenchon à le rejoindre sous sa bannière. Rendons-nous compte du comique de la situation : qu'en serait-il si Nicolas Dupont-Aignan demandait à François Fillon de se retirer pour lui ? Evidemment, c'est absurde. Mélenchon refuse, il peut à présent lui donner un non franc, qui vient du haut. Et Hamon continue sa descente, seul. Rendez-vous compte ! Le PS à 8% ! Cette élection est décidément totalement inédite. Le fait est que Hamon n'est pas le candidat voulu par son parti. Le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, le défend à peine. Les socialistes qui s'en vont chez Macron ne sont même pas sanctionnés, ils provoquent simplement la « tristesse » de Cambadélis ! Quelle honte ! Mais alors, pourquoi Hamon s'obstine-t-il à s'accrocher à ce parti qui ne veut pas de lui ? Pourquoi ne pas marcher dans les pas de l'ex-socialiste qui a claqué la porte du PS en 2009 pour fonder le Parti de Gauche ? Aujourd'hui, et on le voit, le candidat du Parti Socialiste est Emmanuel Macron, le fils spirituel de Hollande. Il est tout à fait évident qu'aujourd'hui, Hamon n'a plus la moindre chance de se qualifier pour le second tour, et en restant dans la course quitte à perdre sous la barre symbolique des 10%, il prend le risque de se griller en politique et de laisser Manuel Valls revenir en deuxième semaine pour déclarer un satisfait « Je vous l'avais bien dit ! ».
La Gauche vers la Victoire
Se retirer, c'est possible (plus ou moins). En réalité, l'équipe de Benoît Hamon pourrait juste décider de ne pas imprimer ses bulletins, il serait crédité alors de 0% des voix officiellement (car il est inscrit définitivement comme candidat). Rien d'infaisable. Alors pourquoi pas ? La raison financière, peut-être ? Encore l'appareillage PS qui empêche de voler de ses propres ailes ! Effectivement, en-dessous de 5%, rien n'est remboursé aux partis sur les frais de campagne. Mais est-ce vraiment le problème de Hamon ? Ne serait-ce pas un beau pied-de-nez que d'aller gagner avec Jean-Luc Mélenchon et de laisser le PS à ses dettes ? Car si Hamon semble aimer le parti, ce n'est pas ostensiblement réciproque, alors autant s'en détacher !
En réalité, le PS a été tué par un quatuor : Hollande, Macron, Valls, Hamon. Hollande de par son bilan, Macron pour avoir été le dissident, Valls pour l'avoir rejoint, et Hamon pour avoir été bien malgré lui le rejet de Valls de la part du peuple de gauche et non le candidat ni du peuple de gauche, ni du PS.
Oui, le rejet de Valls plus que le choix de Hamon. En effet, beaucoup d'Insoumis sont allés voter pour contrer l'ex Premier Ministre, et une majorité de français et de sympathisants de gauche considèrent Jean-Luc Mélenchon comme le candidat représentant le mieux les valeurs de la gauche (44% JLM, 31% BH, 21% EM). Cette étude s'impose comme un nouveau coup sur Benoit Hamon qui est mis face à son échec du rassemblement. Il demande le désistement de Mélenchon (ce qu'il ne faisait pas il y a encore quelques jours), mais toutes les enquêtes donnent les sympathisants de gauche globalement contre un désistement de Mélenchon, et pour un désistement de Hamon ! Enfin, comme argument ultime, une grande majorité de l'électorat de Mélenchon ne votera plus jamais PS, même si Mélenchon venait à se retirer. Pas contre Benoit Hamon, mais vraiment contre cet appareillage socialiste dont Hamon n'arrive vraisemblablement pas à se distancer.
Aujourd'hui la Gauche, la belle, celle qui est universaliste, écologiste, cohérente et complète a ses chances dans cette élection. La dynamique Insoumise s'amplifie, et la victoire est possible pour Mélenchon seul.
Mais elle serait beaucoup plus accessible avec le soutien de Benoît Hamon qui, en plus, s'assurerait un avenir politique. Quelques désaccords sur l'Europe -que Mélenchon ne veut pas quitter contrairement à certaines idées reçues!- valent bien d'être oubliés face à l'urgence écologique et sociétale à laquelle notre pays se heurte. Nos institutions sont désuettes, et nos manières de produire aussi. Mélenchon et Hamon en sont d'accord, et s'entendent globalement sur les solutions. En septembre, le candidat PS espérait une unité car selon lui, personne ne pouvait gagner à gauche sinon.
Benoît, ta candidature était un symbole, c'était une chance, et ta victoire une preuve de plus de cette vague dégagiste. Aujourd'hui, ça rime à quoi ?
Léo-Paul
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