La jeune fille sans mains, conte animé pour grands enfants
- Louise
- 29 déc. 2016
- 3 min de lecture

Librement adapté d'un conte des frères Grimm, La jeune fille sans mains puise ses racines dans un univers mystérieux et violent qui entoure le film d'une étrange mélancolie. L'histoire est simple et suit le schéma narratif traditionnel des contes: dans des temps difficile un meunier vend sa fille au Diable pour retrouver la richesse; protégée par sa pureté, elle lui échappe mais perd ses mains et doit fuir sa famille pour survivre.
Force et puissance du film, le dessin à l'encre de chine et à l'aquarelle est très loin de tous les codes établis dans l'animation aujourd'hui. Schématique sur la forme, il se concentre sur les détails des visages ou des corps avec une grande finesse, le pinceau de S.Laudenbach se meut au rythme des émotions et évolue ainsi avec les personnages du film. Les couleurs ne sont que des touches d'aquarelle qui donnent un caractère presque irréel au film et l'absence totale d'images de synthèse (en effet tout est dessiné à la main) accentue cette sensation de fragilité, et de douceur qui passe par le dessin. Par exemple, pour distinguer le fond des personnages en eux-mêmes, le réalisateur a passé une simple tâche de peinture qui reste comme une ombre derrière chaque mouvement et laisse une trace derrière les personnages. De plus, les corps sont dessinés simplement mais ils changent et se transforment jusqu'à parfois perdre toute forme humaine sous le coup de la douleur, de la tristesse... Ainsi la colère, la peur, la joie sont autant de sentiments audibles et visibles par la finesse du trait de Sébastien Laudenbach.
Loin de l'habituelle candeur affligeante des figures féminines de conte, la jeune fille est un personnage fort qui évolue tout au long du récit. D'abord enfant innocent elle est rattrapée par la cupidité d'un père et par la violence du monde/ Mal. Tout au long de son voyage initiatique elle est confrontée à des puissances supérieures qui essaieront de la corrompre ou de lui imposer des limites, mais elle reprend son indépendance dès que les barrières deviennent trop étouffantes. Ce n'est ni face aux hommes, ni face aux démons qu'elle pliera et qu'elle subira des règles injustes. Elle devient donc à la fois figure de rébellion et de douceur.
Toutefois, la jeune fille n'est pas la seule femme intéressante dans le film, à mes yeux la douce déesse des eaux est tout aussi impressionnante avec la voix d'Elina Löwensohn aux accents charmeurs.
Avec féminisme et sentiments bruts livrés sans détours, le film oscille donc entre fresque violente sur la nature humaine et portraits simples de la beauté du monde.
Lorsque j'ai visionné le film dans le cadre du festival CIP/ACID à Paris en octobre dernier, j'ai pu assister à une rencontre avec le réalisateur où il nous racontait comment en un an il avait dessiné en autarcie toute La jeune fille sans mains, parfois même sans voir ses productions pendant plusieurs mois de suite. C'est donc un long métrage dessiné, réalisé et monté par un seul homme qui nous livre un produit brut et magnifique.
Et en effet quel long métrage ! A visionner avec attention car il me semble plutôt destiné à un public averti allant de jeunes adolescents aux plus âgés d'entre nous qu'à des enfants. Il ne faut pas oublier en effet que la violence est représentée frontalement et que les Hommes ne sont pas les habituelles figures angéliques pleines de bons sentiments que l'on peut voir dans beaucoup de films d'animation aujourd'hui.
Je n'ai donc qu'une phrase pour vous : courrez voir La jeune fille sans mains, vous ne pourrez qu'apprécier la délicatesse et la poésie de l’œuvre de S. Laudenbach.
Louise
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