Alep
- Ella
- 13 oct. 2016
- 3 min de lecture

J'étais Place de la République jeudi soir, il y a une semaine, pour le rassemblement en hommage aux victimes des bombardements à Alep, Syrie, pour penser ensemble à eux, pour déposer des bougies et s'arrêter un moment, pour eux, Syriens bombardés, terrorisés, emprisonnés.
Je suis arrivée à 20h et il y avait une quinzaine de personnes, pas plus, un homme qui parlait au micro et de la musique arabe en fond. Je suis restée une heure, le temps du rassemblement, et je n'ai pas vu plus de 100 personnes... Clairement pas. Il y avait un homme Syrien qui parlait plus que les autres, qui racontait la situation en Syrie et lançait des slogans que le petit amas de personnes, devant la statue de la République, répétait en cœur. D'autres personnes ont parlé, deux ou trois, quelques minutes. Il y avait Raphaël Glucksmann, mais pas un homme politique, pas une autre personnalité. Vous l'aurez compris, je suis en train de dire que 100 personnes à peine ont été les seules à se rassembler à République pour envoyer un soutient, une pensée, à nos amis de Syrie qui tombent chaque jour sous les armes les plus cruelles, sous les mains les plus meurtrières, nos amis qui subissent la folie et la rage d'un homme, qui meurent, depuis des années, à quelques frontières d'ici. Le problème c'est que l'information du rassemblement n'a pas circulé, les gens ne l'ont pas partagée, pas comme la Nuit Debout, par exemple, qui elle n'a pas eu trop de mal à se propager en France.
Nous étions 100 hier et des milliers en janvier 2015 quand notre liberté était pour la première fois mise en danger, des milliers de bougies en novembre dernier quand une fois encore notre confiance était ébranlée et nos amis les plus chers, tombés. Nous étions des milliers sur cette même Place de la République, pendant des semaines, quand nous avons senti que le gouvernement ne nous représentait plus, quand nous avons eu l'impression que nos voies, nos voix, n'avaient plus d'importance pour les politiques. Ces événements nous ont mobilisé, nous ont marqué, touché, c'était notre pays, notre ville, c'était nous, en danger. En ce moment des gens vivent des choses encore plus terribles, ils sont plus à mourir, sans raison, et la France, le pays de la liberté, devrait comprendre que la Syrie aujourd'hui a besoin de soutient et d'amour, plus que jamais. Après avoir vécu ces actes terroristes qui nous ont alarmé, qui nous ont poignardé, on devrait voir la dimension de ce que nos voisins vivent, on devrait ressentir le besoin de leur exprimer notre présence.
Un rassemblement pour une telle cause ne "sert pas" matériellement, et personne ne saura qu'on a été là, le 6 octobre, et qu'on pensait à eux, mais c'est pourtant tellement important. Après les attentats de novembre, tous les grands bâtiments du monde se sont allumés aux couleurs de la France, des gens de tous les pays se sont exprimé et nous ont partagé leur amour et leur compassion. C'était important, très important, leurs mots nous ont touché, nous ont renforcé, c'est ça, dont a besoin un peuple qui a été frappé. D'union. De fraternité. De support. Ce qui se passe en ce moment à Alep est trop dramatique pour qu'on puisse rester les yeux fermés, les bras croisés. Si nous, citoyens, ne pouvons pas aller combattre avec eux, aller repousser l'énorme ennemi qu'est Bachar Al Assad, et derrière, Daesch, nos représentants, unis, ont largement le pouvoir de le faire. En restant muets et inactifs, ils sont passifs... Ils sont les témoins d'un crime, qui ne bougent pas d'un pouce pour aider la victime. Ils sont encore plus "coupables", parce qu'ils ont le pouvoir de sauver les familles qui tombent comme des quilles sous les bombes de l'ennemi.
En attendant, on peut, tous, faire comprendre aux Syriens qu'ils ne sont pas seuls, qu'on est la, pour les accueillir, pour les aider, avec nos mots et nos manifestations. Si on s'était mobilisé, ils se seraient sentis moins seuls, moins enfermés, moins coincés, on aurait pu leur envoyer du courage et de la force, de la détermination, ils auraient pu se dire que ce n'est pas fini, qu'ils sont forts et que nos dirigeants vont arriver et les aider à vaincre, ils auraient su qu'on est là et qu'on leur ouvre les bras, ils se seraient sentis moins abandonnés, ils auraient peut-être vu le bout du tunnel qu'ils cherchent depuis des années. Le pire sentiment, pour tout un peuple ou pour un seul individu, comme a dit l'homme qui parlait de son pays Place de la République, c'est de se sentir impuissant. Je crois qu'en ce moment les Syriens se sentent impuissants, seuls, profondément, et je crois que ça ne devrait pas exister, de laisser un peuple mourir, seul. Impuissant.
Ella
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