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Bougies

  • Ella
  • 19 nov. 2015
  • 3 min de lecture

J'ai allumé une bougie, ce soir, que j'ai déposée devant ma fenêtre. La flamme brûle la mèche et la bougie fond, au fil du temps, s'amaigrit. Sûrement que demain elle sera terminée, consumée, finie.

Cette bougie, je l'ai déposée pour eux, une petite bougie pour toutes ces victimes. Je l'ai déposée comme ça ils sont tous là, près de moi, et en allumant la mèche j'ai eu l'impression de les refaire vivre, j'ai eu l'impression que cette lumière était celle de leur âme que je ravivais pour une soirée, juste pour leur dire à tous que je compatissais, et pour leur promettre que je me battrai pour eux.

Je suis allée au Bataclan, au Petit Cambodge, au Carillon, à La Bonne Bière, je suis allée aussi Place de la République, et c'était partout pareil.

Ces bougies, certaines encore allumées et d'autres soufflés par le vent, ces fleurs, ces textes, mots, dessins, photos, et cette foule de gens qui sont tous ici pour pleins de raisons, pour défier nos ennemis, pour pleurer leurs amis, pour prendre l'air après ce week-end étouffant, pour voir tout ça de leurs propres yeux, pour déposer quelque chose à ces inconnus morts pour avoir profité de la vie. Mais tous ces gens sont là, aux mêmes endroits, et leurs regards se croisent et les larmes se mêlent sur ce sol qu'ils foulent, que leurs ennemis aussi ont foulé mais qui leur appartient. Et ces inconnus, sans mots, se soutiennent.

Cet homme qui a allumé ma bougie, cet autre avec qui j'en ai rallumé, cette femme qui m'a regardé gentiment quand elle a vu mes larmes, cette petite fille qui a caressé les cheveux de la femme qui posait des fleurs... Ce sont tous ces actes qui nous ont unis, qui nous unissent, nous soudent. C'est aussi cette foule, dans la rue, quand il est déconseillé de sortir, ce sont ces centaines de personnes qui chantent place de la République, quand on recommande de ne pas s'attrouper, ce sont ces mines tristes et sombres, c'est le fait d'avoir vu des milliers de personnes sans avoir vu un regard joyeux, sans avoir entendu un rire. Nous luttons, nous combattons, nous nous révoltons, mais nous sommes tristes. Nous nous armons mais nous, nous restons humains.

C'était tellement violent, ces tables encore dressées, ces verres à moitié plein et ces chaises renversées. Il y avait là de la vie il y a si peu de temps. Et le temps, justement, s'est figé, la vie s'est arrêtée, et ces impacts de balles dans la vitre sont là pour nous le rappeler. Et on voit très bien la scène. Ils ont vu des gens vivre, des gens heureux, et ils ont tiré. Ils leur ont arraché la vie comme on arrachera leurs armes, comme on détruira leur groupe. Ces gens ne sont pas humains. C'est tout et c'est trop.

Je n'arrive pas à m'imaginer sourire de nouveau comme avant, un jour. Je ne me vois plus rire, sortir et m'amuser, profiter de chaque instants comme je le faisais il y a si peu de temps. Pourtant, il le faut.

Il le faut pour la simple raison qu'ils l'auraient fait, eux, les victimes de ces attentats. Ils auraient continué de vivre et de s'éclater comme ils le faisaient ce soir là. Ils auraient aimé nous voir se battre et se relever pour eux, j'en suis sûre.

Ella


 
 
 

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