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  • Angèle et Jude

Rencontre avec Marie Vialle: la femme, un Homme comme un autre


Marie Vialle dans Princesse Vieille Reine.

Actrice et metteur en scène française, Marie Vialle jouait en début d'année dans deux pièces à Paris: Princesse Vieille Reine, pièce de Pascal Quignard écrite pour elle et dont elle est metteur en scène et unique actrice, au Théâtre du Rond-Point; Ivanov d’Anton Tchekhov, monté par Luc Bondy, dans lequel elle incarnait la Babakina, à l’Odéon. Deux pièces que nous avons vues, en sortie scolaire.

Deux rôles totalement différents, mais deux rôles forts, transmetteurs d’un puissant message. Rencontre.

C’est votre troisième collaboration avec Pascal Quignard (après Le nom sur le bout de la langue et Le triomphe du temps), écrivain français lauréat du prix Goncourt 2002. Qu’est-ce qui vous a poussé à adapter ses textes au théâtre ?

Le nom sur le bout de la langue j’ai juste eu envie de le faire, donc j’ai écrit à Pascal, j’ai trouvé une salle et j’ai monté cette pièce. Pour Princesse Vieille Reine, l’idée qu’il y ait 5 contes différents mais une seule femme m’a séduit. On peut se dire tout ce qu’on veut, que je suis une petite fille qui se déguise, une femme qui change, une femme qui s’invente des histoires. Dans les contes on pense de suite à un narrateur mais ici j’ai choisi d’être seule car j’avais envie de jouer comme les petits enfants : « toi tu fais ci et ça ». Ils jouent, parlent, expliquent sans s’arrêter. C’est pas philosophique, c’est complètement libre ! Dans les textes de Pascal Quignard les dialogues sont rapportés. C’est la liberté…

Actuellement vous jouez aussi au théâtre de l’Odéon, théâtre de l’Europe, dans Ivanov de Tchekhov; vous y interprétez la Babakina. Une préférence entre ces deux rôles ?

Non, ils sont bien trop différents. Dans Ivanov, tous les personnages sont relatifs les uns aux autres. Dans Princesse Vieille Reine ce ne sont pas les femmes par rapport aux hommes, elles ne sont pas là en réponse, ça part toujours de leurs désirs. C’est cela qui m’intéressait vraiment. J’ai trouvé très beau qu’un homme parle de femmes. Ce n’est pas une femme qui revendique quelque chose, ce n’est pas violent ni complexe, c’est du plaisir, de la jouissance : c’est la magie de Quignard... Au début, j’avais un préjugé sur m’habiller et me maquiller, des gestes très féminins, finalement, on tourne le miroir vers soi-même pour découvrir ses propres désirs et c’est en montant la pièce que je l’ai réellement découverte. Et puis le public est différent, donc le jeu change et selon l’écoute on s’adapte, inconsciemment.

Monter sur scène devant une centaine de personnes fait-il peur ? Oublier un mot par exemple, comment réagissez-vous ?

C’est toujours différent. Il y a la peur de ne pas être au niveau de l’œuvre créée, de passer à côté. C’est comme le loup dans la forêt, on a peur mais pourtant on ne craint rien. Ça m’est déjà arrivé une fois d’oublier un mot, c’est très désagréable. On n’est pas absorbé mais dans un état de conscience aigu ; à plusieurs on peut se motiver, tout seul c’est très difficile. Dans Ivanov de Tchekhov, il y a un moteur, un meneur, ce n’est pas tout le temps le même, ça change avec les scènes, mais seul c’est vraiment dur. Quoi qu’il en soit je me redis mon texte tous les jours ! Bon, tout le monde ne fait pas ça évidemment, donc on invente un autre mot. Enfin, la mémoire est étonnante, et le temps palpable, on ne réalise pas et finalement ce n’est pas très difficile de retenir tout un texte, on sait que ça va rentrer. Quand on lit à voix haute, on remarque ce qu’on connaît ou pas. Heureusement, en cas d’oubli, le public ne s’en rend pas compte sauf bien sûr si j’appelle Ivanov « Jean-Claude » ! (rires) Au fond il n’y a rien de grave mais ça donne le trac, enfin c’est l’art quoi …

Princesse Vieille Reine, pièce de Pascal Quignard montée et jouée par Marie Vialle.

Comment choisissez-vous vos rôles ?

Si quelque chose me plait, je le fais ; il faut jouer les pièces qui nous intéressent. Celles de Quignard et Tchekhov sont géniales, épanouissantes ! On peut les jouer quatre-vingt fois sans se lasser et toujours découvrir quelque chose. Tout est composé de façon si fine qu’on découvre à chaque fois une nouveauté. Des fois on est surpris par la scène, le metteur en scène etc... Au théâtre, il n’y a pas beaucoup de plaisir matériel. C'est difficile de jouer une pièce où ça ne se passe pas bien. Par contre si ça va, c’est magique ! Ce sont des grands moments, grâce à de grands textes et de nouveaux univers ! Dans Princesse Vieille Reine, je trouvais beau de parler crûment de l’inconnu entre hommes et femmes. Il n’y a aucune retenue, c’est simple et pas dérangeant.

Comment gérez-vous le fait d'être à la fois actrice et metteur en scène ?

En général on a toujours un œil extérieur, mais là je n’en avais pas envie. Quand on est acteur, on est vulnérable, alors qu’on a des sensations, mais avec un metteur en scène on devient dépendant. J’ai donc travaillé seule, puis avec la costumière et l’éclairagiste, et aussi avec une amie danseuse pour bosser les détails qui donnent des repaires. Et c’est aussi parce que j’ai confiance en Pascal et en son regard. Du coup c’est moins efficace mais plus organique, les racines sont plus profondes. Dans Ivanov, c’est plus reposant pour moi, avec Luc Bondy c’est très agréable, ce n’est pas un ogre, il laisse de la liberté ! Je ne sais pas comment il fait mais on se sent comme un petit chat avec une pelote de laine.

Enfin, quels sont vos projets pour les années à venir, ou au moins l’année prochaine ? Aimeriez-vous refaire du cinéma ?

Alors, je vais jouer Princesse Vieille Reine en tournée dans 6 ou 7 villes et recommencer l’année prochaine ! Ensuite, début juillet 2016 à Avignon avec Pascal Quignard (sur scène !) dans La Rive Noire. Puis dans Don Juan mis en scène par Jean-François Sivadier, et j’interpréterai Elvire. J’en suis très contente ! Du cinéma, oui, j’en ai fait, mais ce qui importe, c’est que le projet soit intéressant !

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du théâtre ? Quel cursus avez-vous suivi pour en arriver là?

Pour l'envie, je ne sais pas… Je vous dirais des bêtises parce que je ne sais pas. En ce qui concerne le cursus, après avoir eu mon bac, j’ai passé le concours de la Rue Blanche, et j’ai pris des cours au conservatoire. J'avais cette lubie, je ne sais pas d'où elle vient, de faire du théâtre. Je ne sais pas trop pourquoi mais en tout cas je sais que je voulais réussir, devenir une actrice. Je n'avais pas le soutien de la famille, de mes parents et même si à l'époque je les détestais de ne pas approuver mes choix, je les comprends avec le recul: ce n'est pas un métier facile, la plupart des intermittents du spectacle gagnent plutôt mal leur vie, il faut se battre tout le temps pour trouver du boulot pour certains et il y a des contraintes. Mais en même temps, c'est merveilleux comme métier, ça nous permet de toucher des choses très éloignées de nous, de voyager dans le temps et l'espace, de rencontrer des gens!

Avec Pascal Quignard.

La musique aide-t-elle pour le théâtre?

Je pense que la musicalité est plus importante que la musique en elle-même; la musicalité c’est aussi le silence.

Vous lisez du théâtre et allez souvent au théâtre? Est-ce nécessaire pour être actrice? Et y a-t-il eu des pièces qui vous ont marquée?

J’adore jouer mais je lis peu de théâtre et je suis très mauvaise spectatrice ; on parlait de la musique, elle m’émeut beaucoup plus que le théâtre. Malgré tout je vais au théâtre souvent, le plus souvent possible et parfois je fais de grandes découvertes, je vis de grandes expériences. Par exemple, Les Atrides monté par Mnouchkine, ça m’avait énormément touchée!

Si vos enfants veulent faire du théâtre, vous les soutiendrez?

Bien sûr, quoi qu’il arrive, je soutiendrai mes filles dans leurs rêves. Je leur dirai que ce n'est pas facile, pas gagné, mais je les soutiendrai.

Si vous n'aviez pas été actrice, vous auriez voulu faire quoi?

J'aurais aimé être archéologue de montagne, bon, je n’aurais pas réussi (rires) … ou chanteuse de rock ! Ou peut-être faire du cinéma! Ce qui est pas mal avec le cinéma, c’est qu’on emprunte une autre vie pour un instant.

Vous pensez que vous aimerez toujours jouer dans 10 ans?

Je pense, j'espère!

Ça vous plairait de diriger une grande troupe, comme Luc Bondy ou Jean-François Sivadier? Et sinon, vous envisagez faire autre chose?

Diriger une grande troupe, ça doit être bien, je ne sais pas, ça doit être enrichissant. Et dans l’absolu bien sûr, j’aimerais écrire, mais j’aime aussi laisser de la place aux mots et laisser du silence.

Angèle et Jude

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