Le Penseur, 1ère partie
- Ella
- 3 nov. 2015
- 3 min de lecture

Photo tirée du film "M le Maudit" de Fritz Lang
Ana se leva de bonne heure pour aller au collège, ce matin là. Elle s'habilla et alla dans la cuisine préparer des tartines pour son frère, qui ne tarda pas à la rejoindre. - Bonjour, lança-t-il en arrivant. J'ai fait un rêve trop bizarre !
Ana ne put s'empêcher de sourire ; le langage, passant du soutenu au familier, qu'utilisait Octave, la faisait bien rire.
- Ah ouais ? Raconte voir ! Et Octave se mit à conter dans les plus précis détails le rêve qu'il pensait avoir fait pendant toute la nuit. Il s'agissait du Penseur qui lui jetait un sort pour qu'il devienne Penseur à son tour.
Le Penseur était l'homme aux milles mystères de la petite ville de Monssoges, dans le nord de la France. C'était un très vieil homme, habitant à l'écart de tous les autres mais rôdant souvent dans le centre.
Son surnom était dû au fait que l'on disait que, depuis la mort de son fils, il pensait jour et nuit à s'emparer d'un corps pour en faire son objet, sa marionnette. Octave était depuis quelque temps obnubilé par cet homme étrange, solitaire et effrayant. - Arrête de penser à lui tout le temps ou ton cauchemar va se réaliser ! Allez viens, il faut partir. En sortant de leur immeuble, ils le croisèrent justement, et il les dévisagea pour la première fois avec une expression étrange sur le visage.
***
Ana alla chercher son frère à l'école et ils rentrèrent ensemble chez eux.
Sur le chemin, Octave, en pleine discussion avec sa sœur, heurta quelqu'un et tomba.
- Oc, fais attention ! Ça va ? Demanda Ana. Excusez nous, monsieur, continua-t-elle en relevant la tête. Elle sursauta et recula d'un bond ; devant elle se trouvait le Penseur, qui la scrutait dans les yeux.
Doucement, elle le vit saisir la main d'Octave et le soulever sans même le regarder. Elle le vit aussi changer d'expression, le visage soudain illuminé par un sourire dément.
- Viens, on se tire, dit-elle en attrapant son frère par la main. Ils rentrèrent en courant sans vraiment savoir pourquoi. Ana verrouilla la porte et s'écroula sur son lit, un sentiment de culpabilité la rongeant sans qu'elle n'en connaisse la cause.
***
Octave était couché sur son lit, enveloppé d'une couverture, pendant le dîner. Un thermomètre dans la bouche et une bouillotte sur le ventre, il était victime d'une inquiétante poussée de fièvre.
Quand Ana entra dans sa chambre, adjacente à celle de son frère, elle entendit des gémissements étouffés et des grognements inarticulés. - Bonne nuit, murmura-t-elle sans hausser la voix, de peur de le réveiller.
***
La journée d'Ana fut longue et ce fut avec empressement qu'elle regagna son appartement. Son père cuisinait déjà, et dès qu'elle entra il releva la tête et demanda :
- Octave ? C'est toi ? - Non, c'est Ana, répondit celle-ci en posant son sac. Octave est sorti ? - Oui, cela fait presque une heure ! Je n'ai pas vu le temps passer. Ana ressortit et descendit dans le hall, pensant le trouver en train de lire sur un banc. Mais au lieu de cela, elle vit quelque chose qu'elle n'aurait jamais imaginé auparavant. Son frère, debout, à l'entrée de la résidence, avait l'air d'entretenir une passionnante conversation. Cela n'aurait pas été extraordinaire si son interlocuteur n'avait pas été le Penseur. Octave lui serra la main et repartit en direction d'Ana. Quand il la vit, il tenta de la contourner sans qu'elle ne s'en aperçoive, mais elle l'attrapa par le bras. - Tu peux m'expliquer ce que diable tu foutais avec ce vieux fou ? Tu n'étais pas censé être malade ? Octave lui lança un regard haineux qui ne lui correspondait pas. - Qu'est-ce que tu en sais, qu'il est fou ? T'as les j'tons, c'est tout. Tu n'en sais rien. Sur ce, il se dégagea de sa sœur et partit sans se retourner. Ana ne tenta pas de la rattraper et prit les escaliers. Elle se dit qu'il avait peut-être raison, et qu'elle devait cesser d'avoir peur pour lui. Il était sans doute juste sorti faire un tour, avait croisé le Penseur et s'était excusé pour la veille.
Ella
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