On est allés voir Démons, de Marcial Di Fonzo Bo
- Jude et Max
- 18 oct. 2015
- 6 min de lecture

Di Fonzo (très) Bof THÉÂTRE. Au Rond-Point, le metteur en scène et acteur franco-argentin adapte sans idées ni créativité Démons de Lars Norén.
Il y a, dans une carrière, des dates clés, des moments charnières. 2015 est de ces carrefours pour Marcial Di Fonzo Bo : nommé en janvier directeur du Centre dramatique national de la Comédie à Caen, l’acteur et metteur en scène franco-argentin, qui s’est également essayé à l’opéra ces dernières années, a l’occasion de passer un cap avec la double adaptation de la pièce écrite par Norén en 1984, pour la petite lucarne (diffusion sur Arte) et, donc, le théâtre, dans la toujours impressionnante et prestigieuse salle principale du Rond-Point, dans le VIIIème arrondissement de Paris. De ce qu’on en a vu, c’est raté. L’adaptation télévisée est paraît-il réussie mais sachant qu’elle a en commun avec la pièce non seulement le metteur en scène mais aussi les acteurs, je vois difficilement comment elle pourrait être superbe... À la base de cette pièce est le texte, qui, s’il n'est pas un monument théâtral, est tout de même un classique, de nombreuses fois adapté, cuisiné à toutes les sauces (et pas que des bonnes, la preuve). Un texte qui aborde ce qui est quasiment un topos du théâtre moderne : le délitement du couple.
L’histoire est donc celle d’un couple, dont les deux membres, Frank et Katarina (Romain Duris et Marina Foïs), non contents de se détruire mutuellement à coups d’insultes, de bassesses et d’atteintes morales toutes plus laides les unes que les autres, font en sorte de faire exploser le couple de leurs jeunes voisins, Jenna et Tomas (Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel), qu’ils ont invité chez eux pour une soirée absolument surréaliste qui dévoile les plus sombres sentiments, les plus viles pensées de l’être humain. Norén livre une œuvre monstrueusement cynique, même si on a bien vite compris son propos, ce qui rend les trois quarts de la pièce qui suivent assez inutiles, si ce n’est pour voir des personnages de plus en plus répugnants empiler atrocité sur atrocité.
Néanmoins se dégage du texte une certaine beauté, dans la lignée des écrits jansénistes, parce qu’après tout, si telle est la vision de l’amour de Norén, c’est affreux mais c’est aussi beau, de même que la vison de Racine de l’Homme comme celle d’un être fondamentalement mauvais est belle (toute proportion gardée bien sûr). Mais dans la mise en scène de Di Fonzo Bo, qui est donc ici bien mal nommé, rien de beau. La vision janséniste et sombre du couple laisse place à la vulgarité, qui n’a jamais rien apporté à une œuvre. Le metteur en scène, qui raffole de célébrités, semble complètement dépassé par son carré de starlettes du cinéma français, dont chaque membre joue solo plutôt que collectif, tentant par ses déplacements de ramener la couverture à lui. Romain Duris est en roue libre et ça ne lui réussit pas franchement même si il incarne bien l’ordure qu’est Frank, Marina Foïs commence sérieusement à nous lasser avec ses mimiques toujours semblables et son air perpétuellement blasé, Anaïs Demoustier est plutôt correcte dans son personnage candide mais sa palette d’actrice ne lui permet pas de faire évoluer significativement son personnage tout au long de la pièce et si ce n’est pour sa belle gueule, on ne voit pas trop ce que Gaspard Ulliel vient faire là, ridicule lorsqu’il crie et pas beaucoup mieux lorsqu’il parle (ah triste cinéma français si ce sont elles tes vedettes actuelles...).
Les tirades de ces têtes d’affiches qui n’ont à dire vrai rien à faire dans le théâtre public, où l’on ferait mieux de faire place nette à du sang neuf, arrivent à nous intéresser une demi-heure environ mais passé ce stade, les paupières se font lourdes et l’oreille devient bien peu réceptive aux longues tirades qui n’apportent rien ou presque de nouveau au tableau initial.
Le décor constitue un des seuls partis pris de Di Fonzo Bo (appartement ultra-moderne contre château dans le texte de Norén) mais son immensité à ses limites : il tourne sur lui-même mais ne permet pas aux acteurs de s’offrir de temps morts si ce n’est en restant en retrait (ce que fait Marina Foïs pendant dix bonnes minutes, ce qui est bien long...) ou en sortant de scène (ce qui est une solution un peu facile). Ainsi, Duris, qui démarre bien, s’essouffle à rester perpétuellement en action, sur scène.
Pour ce qui est du propos, enfin, on en a saisi l’essentiel au bout d’une vingtaine de minutes et si ce n’est pas vraiment sa faute, Di Fonzo Bo n’essaie pas vraiment d’y remanier, sa seule trouvaille se résumant à lever le voile sur l’avenir du couple Frank-Katarina, les dernières minutes sous entendant qu’il est complètement détruit, brisé. Bref, que ce soit dans sa direction d’acteur, ses indications quand à leur jeu et leur occupation de l’espace ou son interprétation mollassonne du texte, Marcial Di Fonzo Bo nous a déçu(et nous n’étions pas les seuls à en juger par les spectateurs quittant la salle par groupe - ce qui, quoi qu’on pense de la pièce, n’est pas admissible). Espérons pour le sympathique et jeune artiste une plus grande réussite dans ses projets à venir pour que le cru 2015, qui commençait bien, ne devienne pas une année... démoniaque, dirons-nous.
Jude
DÉMONS : MON DIEU !!! Démons se joue depuis le 9 Septembre au Théâtre du Rond Point. On y retrouve des acteurs de cinéma: Anais Demoustier, Romain Duris Marina Foïs et Gaspard Ulliel, dans la calamiteuse mise en scène de Martial di Fonzo Bo.
" Katarina : Qu'est-ce que je dois faire ?
Frank : Ce que tu veux.
Katarina : Ce que je veux ?
Frank : Ce que tu veux, toi... c'est si diffi-cile ?
Katarina : Oui... oui, c'est difficile.
Frank : Parce que, c'est toi mon moi. " Qui penserait que derrière ces paroles assez révélatrices qui sont profondes, intenses, sublimant l’amour respectif entre deux-êtres, il y aurait une mise en scène maniérée, qui ne renforce pas le sens-même du propos, avec des acteurs qui jouent chacun de leur coté ? On ne peut pas dire que Marcial Di Fonzo Bo fasse preuve d’une grande imagination lorsqu'il choisit de mettre en scène la pièce de Lars Norén. Combien de films, de pièces de théâtre ou de morceaux de musique voit-on chaque année traitant le délitement du couple ? On espère alors que le metteur en scène va faire preuve d’audace… Que nenni...
Je n’ai pas dit que le texte était inintéressant. Bien au contraire, il est extrêmement pertinent. Il est fascinant de voir ce couple, Frank et Katarina qui s’aiment très fort et qui pourtant ne peuvent plus se supporter. Leur couple part en totale déliquescence. Plus on avance dans la pièce et plus ces démons ressortent de ces personnages. Ils ne peuvent pas vivre sans se faire du mal. Et cette relation perverse est extrêmement intéressante. On nous place en tant que spectateur dans ce tourbillon infernal. Où l’homme et la femme se complètent dans le mal, dans l’insulte accompagnant une folie apparente. Et il est vrai qu’il y a un fort sentiment d’oppression qui s’installe pendant toute la durée de la pièce. Le texte est fort et peut bouleverser les âmes sensibles. Ils se détruisent psychiquement et physiquement.
Mais la mise en scène de Marcial di Fonzo Bo gâche la dureté et la beauté du texte. Le décor est laid, c’est un appartement très chic avec un système de tournette montrant une certaine vulgarité. Vulgarité que l’on retrouve dans les costumes de Katarina. Qu’est ce que les fesses de Marina Foïs apportent au personnage et au texte ?
Tous les acteurs sont des célébrités ! Mon dieu Monsieur di Fonzo Bo, il y a d’autres façons de faire venir du monde ! Surtout que les acteurs sont mauvais, qu’ils se regardent jouer et qu’ils se trouvent vraiment géniaux. Marina Foïs n’est pas si mauvaise, c’est la seule qui fait vivre son personnage, c’est la seule qui nous fait vivre une vraie émotion : c’est la seule où on y croit vraiment… Romain Duris passe à côté de son personnage. Frank est un homme chic et pervers. Duris l’incarne avec complaisance et dans la vulgarité. Le personnage perd toute sa complexité. Anaïs Demoustier joue dans la facilité, on la voit énormément en ce moment au cinéma : Une nouvelle amie, Bird, Caprice, Marguerite et Julien… Ce qui est fascinant c’est que partout, elle joue de la même façon : la jeune fille pure, naïve avec une voix aiguës. Mon dieu Anaïs Demoustier, il faut innover quand on est une actrice… Ce qui pouvait nous plaire commence maintenant a nous agacer. Le jeune Gaspard Ulliel est mauvais et pourtant nous l’avions tant aimé dans Saint Laurent de Bertrand Bonello. On est presque mal à l’aise pour lui. Il joue un homme maladroit et n’y arrive pas et se ridiculise sur scène. On dirait un acteur débutant qui gesticule et caricature son personnage. Ce qui est étonnant dans tout ça, c’est que tous ces acteurs sont excellent au cinéma et aussi mauvais au théatre. Cette pièce manque cruellement de finesse. Je crois que vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé cette pièce. Le seul interet que l’on peut y trouver c’est de voir de près des acteurs de cinema que l’on aime habituellement. Si ce n’est pas le cas je dirais qu’une seule chose : “partez en courant et attendez qu’un autre metteur en scène monte le texte de Lars Norén pour y aller !!!”
Max

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